On ne peut répondre directement à cette question car elle n'existe pas : il n'y a pas un élevage mais des élevages dont les conséquences alimentaires, agricoles et environnementales sont très différentes voire opposées comme le montrait l'article
Quelles crises pour quels élevages? et en particulier la section
Vaches à viande, vaches à lait, quel élevage bovin? Parler d'élevage ne sert à rien, il faut donc distinguer impérativement l'élevage industriel ou intensif en hors-sol avec une forte alimentation apportée, de l'élevage traditionnel.
La concurrence alimentaire homme/élevage.Toutefois, au niveau des chiffres, on ne dispose que de données globales qui montrent la concurrence entre les animaux d'élevage et les hommes, principalement des pays du sud, en terme alimentaire. Les animaux d'élevage consomment plus du tiers des céréales produites dans le monde. Dans les pays du nord où l'élevage industriel est fort comme la France, c'est la moitié des céréales françaises soit 10 millions de tonnes annuelles qui nourrissent nos animaux, vaches mais aussi volailles et porcs. Ces derniers sont particulièrement voraces en céréales du fait de leur élevage quasiment exclusif en hors sol : 95% des 14 millions de porcs français (Donnés France Agrimer 2009) sont élevés sur caillebotis et sont donc nourris exclusivement d'alimentation apportée dont une grande quantité de céréales. De même pour les volailles en batterie ou les fermes usines comme
celle des 1000 vaches qui consommerait à plein régime jusqu'à 40 tonnes de nourriture par jour, toute de céréales ou de soja importé.
En effet les céréales ne suffisent pas et l'élevage intensif consomme aussi 85% du soja mondial, le pourcentage restant servant principalement aux agrocarburants, faisant de cet aliment si nutritif une production presque inutile en terme d'alimentation humaine. Au niveau français, l'appétit de nos veaux, vaches, cochons, couvées touchent aussi le soja puisque l'élevage intensif français est le premier importateur européen qui fait venir 4,5 millions de tonnes chaque année et 22% du soja brésilien (OGM) pour compléter notre production de colza qui passe aussi en grande partie dans notre élevage.
La FNSEA me dirait que cette viande on la mange, je leur répondrais oui (mais pas la leur) mais il y a quand même un problème : quand on donne 7 kilocalories de céréales à un animal d'élevage, il produit 1 kilocalorie de viande (en moyenne). Autrement dit nourrir les animaux d'élevage avec des céréales et protéagineux détruit de l'alimentation.
Deuxième problème, ce ne sont pas les mêmes qui mangent : on importe les céréales et protéagineux du sud pour nourrir les animaux du nord qui nourriront les populations du nord. Cet élevage industriel du nord qui ne peut nourrir seul ses animaux prive le sud de céréales dont il pourrait se nourrir. Ainsi les seules céréales consommées en une année par l'élevage nord américain très industrialisé pourraient nourrir 840 millions de personnes pendant une année c'est-à-dire tous ceux qui souffrent de la faim dans le monde (
Données). Cette production de céréales et de protéagineux dans les pays du sud pour nourrir le bétail du nord est d'ailleurs en train de passer une étape puisqu'après avoir affamé l'Amérique du sud (
Et si on parlait vertement du Brésil), elle s'installe désormais aussi en Afrique qui est déjà le continent de la faim et va connaître en plus d'une forte d'un croissance démographique, ce fléau de l'agriculture fourragère d'exportation.
Elevage et occupation des terres.L'élevage a aussi un impact sur une des autres composantes de l'équation alimentaire : l'occupation des sols. L'élevage occupe en effet 70% de la surface agricole mondiale mais ne produit que 8% des calories et 18% des protéines selon la FAO. Dans cette occupation des terres, il y a bien sûr les surfaces pâturées mais ce ne sont pas toujours les plus problématiques. En effet ce sont en partie des terres moins favorables à une autre production agricole. Le problème principal sont toutes les surfaces mises en culture pour produire de l'alimentation pour le bétail car ces terres pourraient être utilisées pour produire de la nourriture humaine. En effet les productions végétales sont plus efficaces pour produire de l'alimentation. Avec 1 ha consacré à l'élevage de boeuf (production de nourriture et pâture), on peut nourrir 1 personne pendant un an. Avec ce même hectare en céréales on nourrit 20 personnes pour la même période et un maraichage biointensif ou permacole est encore plus efficace dépassant les 30 personnes (
Données). L'élevage industriel cache cette réalité spatiale : l'animal ne prend ici que quelques mètres carrés au sol voire un feuille A4 pour une volaille de batterie mais sa nourriture occupe d'immenses surfaces le plus souvent au sud. C'est sur ce mensonge que repose l'élevage industriel quand il prétend nourrir le monde alors qu'il ne fait que gaver une partie de mauvais produits en affamant l'autre.
Et l'élevage traditionnel?L'élevage traditionnel ne pose pas les mêmes problèmes de concurrence alimentaire ou d'occupation des terres. L'élevage traditionnel est basé sur la pâture des animaux qui se nourrissent de ressources non consommables par l'homme : herbe, landes, jachères, glandée dans la forêt pour les porcs, parcours libre pour la volaille et pour ces deux derniers les déchets de consommation et de la ferme dans le cadre normal d'un élevage intégré dans une polyculture. Dans ce cas, l'alimentation des bêtes ne demandent que très peu de productions dédiées et ne prend donc ni récolte, ni céréale, ni trop d'espace. Si l'on prend le cas des vaches, l'opposition élevage industriel/ élevage traditionnel est flagrante. Alors que l'élevage industriel bovin est désastreux en terme alimentaire comme nous l'avons vu, l'élevage traditionnel ou agropastoral est efficace. En effet une vache transforme de l'herbe inconsommable par l'homme en lait et viande donc elle produit de la nourriture alors que si elle est élevée aux céréales, elle détruit de la nourriture (il faut donner 16 kca de céréales à une vache pour qu'elle produise 1kca de viande, source FAO). De plus, traditionnellement, l'élevage ne prend pas de place agricole. Il s'insère dans l'exploitation ou dans les espaces que l'agriculture ne peut occuper. Prenons le cas de l'élevage de montagne maltraité par la FNSEA, les gouvernements successifs et la PAC car non intensif, il utilise des espaces d'altitude impropres aux autres cultures. C'est par exemple le cas de l
'agropastoralisme des montagnes françaises qui utilise les prairies inondables de fonds de vallée et les alpages, tous deux impropres à d'autres cultures pour produire, lait, fromage et viande. Enfin l'élevage traditionnel qui intègre l'animal dans la polyculture lui donne plusieurs fonctions simultanés ou successives et donc une vraie efficacité : le bétail va par exemple s'occuper des jachères, des landes, maintenir le paysage ouvert, fournir du fumier pour les cultures, produire du lait puis après de la viande, voire de la laine ou du cuir. Cette utilisation multiple de l'animal est très efficace. Dans l'élevage intensif, au contraire, chaqu élevage ne l'utilise que pour une seule fonction, et ainsi sa nourriture, son espace et ses autres productions deviennent des contraintes. Il faut donc des élevages bovins différents et spécialisés pour le lait, pour la viande, pour les veaux et même pour la bouse dans le cas des méthaniseurs comme la ferme des 1000 vaches. Alors lait, veaux, viande deviennent des sous-produits voire des déchets de la production centrale de bouse dans une aberration totale.
Les deux versants alimentaires de l'élevage.L'élevage peut donc permettre de contribuer à nourrir les hommes à condition qu'il soit un élevage intégré dans la polyculture qui ne rentre pas en concurrence alimentaire ou dans l'occupation de l'espace avec les hommes. Dans ce cas là il est la seule et la meilleure façon de transformer des ressources non consommables par l'homme comme l'herbe, en alimentation humaine et peut aussi aider aux autres productions alimentaires (entretien, compost, force mécanique...).
Sinon dans le cas de l'élevage intensif ou industriel, l'élevage est une catastrophe alimentaire car il nourrit les animaux de productions utiles à l'alimentation humaine, faites sur des terres qui pourraient produire des aliments humains. Il concurrence donc l'alimentation humaine en gavant les animaux du nord des récoltes du sud et prend la terre des paysans vivriers du sud. Cet élevage industriel inefficace en terme alimentaire est donc une des principales causes de la faim dans le monde.
Il est donc absolument nécessaire, non pas de condamner en bloc l'élevage, mais de choisir un élevage paysan qui aide à nourrir les hommes au lieu de toujours mettre en avant un élevage industriel qui détruit de la nourriture et affame le monde (entre autres problèmes...).