Mais le problème de la demande n'est pas le principal. L'offre diminue. La production de beurre sur les 8 premiers mois de 2017 a chuté de 5% dans toute l'Union européenne.
Comment expliquer cette chute de production alors que les prix augmentaient? Pour cela il faut observer la production de lait, de beurre mais aussi du lait écrémé qui est un co-produit du beurre. Comme le montre l'illustration ci-contre, pour faire du beurre, on prend du lait et on l'écrème, donnant deux produits : la crème que l'on transforme ensuite en beurre et le lait écrémé. Rappelons aussi que ces deux productions, beurre et lait écrémé, sont des manières de conserver le lait : le beurre se conserve et le lait écrémé se lyophilise.
Toute la crise actuelle du beurre prend sa source dans la décision prise par les gouvernements européens de mettre fin aux quotas laitiers en 2015. Cette décision a déjà été critiquée ici car elle nuit aux petits producteurs et favorisent les exploitations de grandes tailles et les fermes usines. Elle est aussi la cause de la crise laitière qui dure depuis 2015. Avec les quotas, chaque producteur de lait avait un droit à produire une quantité de lait par an pour éviter la surproduction et essayer de maintenir les prix et donc les revenus des producteurs. Avec la contractualisation qui lui succède, chaque producteur peut produire le lait qu'il a déjà vendu par contrat. Cela laisse la part belle aux gros producteurs qui font de plus gros contrats avec des remises plus fortes et entrainent une chute rapide des cours. C'est la cause de la crise de la filière élevage laitier depuis 2015. Cette crise a entrainé des cessations ou des replis d'activités chez les petits éleveurs ruinés d'où une production laitière en baisse depuis l'été 2016 qui fait défaut pour la production de beurre.
La période 2015-2016 avait au contraire vu une surproduction laitière très importante dès la fin des quotas laitiers. Pour gérer cette offre trop importante, il a fallu transformer rapidement ce lait "en trop" en produits stockables : beurre et poudre de lait écrémé. Le beurre produit a été absorbé par le marché mais le lait écrémé non car sa demande est en chute libre sur le marché européen comme mondial.
Aujourd'hui, à cause de la fin des quotas laitiers, on se retrouve donc dans une situation problématique :
- On produit moins de lait car la fin des quotas a fait disparaitre des élevages, principalement les petits qui font de la qualité.
- On a un stock mondial de lait écrémé qui fait que le prix de ce co-produit du beurre chute à toute vitesse alors que le prix du beurre augmente (voir image 2). Pour un producteur de beurre se pose alors un problème car il doit vendre les deux co-produits. Le beurre est cher ce qui va l'inciter à en produire plus mais quand il en fait, il produit du lait écrémé qu'il n'arrive pas à vendre et plus il en produit, plus son prix chute. C'est donc une situation très compliquée : on ne peut améliorer la situation du marché du beurre sans aggraver celle du lait écrémé et réciproquement.
- Dernier élément peu évoqué dans les médias, l'évolution du cheptel. Au cours des vingt dernières années, le cheptel bovin laitier s'est concentré sur des vaches très productrices de lait comme la si funestement célèbre Prim'Holstein qui pisse plus de 9000kg de lait par an, supporte mieux l'élevage intensif et représente 80% du lait collecté aujourd'hui. Les éleveurs se sont orientés vers cette vache pour pouvoir produire plus de quantité face à un prix du lait toujours plus bas. Toutefois c'est bien sûr au détriment de la qualité comme le montre le tableau en image 3 qui donne la teneur de son lait en matière grasse (taux butyreux : TB) et en protéine (taux protéique : TP). Par litre de lait, la Prim'Holstein produit moins de crème et de beurre et plus de lait écrémé, qu'une Jersiaise, reine de la crème et du beurre. C'est pourquoi il existait dans de nombreux départements des primes par litre de lait en fonction du taux butyreux mais certains comme l'Allier les ont supprimées en 2016.
L'offre de beurre est donc insuffisante à cause de la fin des quotas laitiers en 2015 qui a entrainé une baisse de la production de lait, une crise du marché du lait écrémé co-produit du beurre. Offre en berne à cause de la fin des quotas laitiers et demande en hausse, voila qui explique une hausse des prix.