Les hydrocarbures (charbon, pétrole, gaz et toutes leurs variantes) sont souvent appelés énergies fossiles car leur formation s'est faite sur des temps géologiques par décomposition de matière organique dans des conditions particulières. Ils se sont formés à une époque lointaine et leurs gisements sont fixes, non renouvelables. Le nucléaire est lui aussi non renouvelable et présente cette même caractéristique d'être épuisable à un rythme proche de celui des hydrocarbures.
Des ressources fossiles épuisées
Le graphique ci-contre montre la production d'énergies fossiles dans le monde. Comme toute ressource limitée et consommée elle présente une courbe avec une accélération rapide, un pic (appelé pic oil ou pic de Hubbert dans ce cas) et une chute relativement rapide. Cette chute rapide s'explique parce que la quantité exploitable diminue et que la difficulté d'exploitation s'accroissant, l'exploitation diminue encore plus rapidement. Cette courbe montre nettement que nous sommes au pic et que la production va chuter maintenant rapidement. Quand il s'agit de pétrole et d'enjeux énergétiques, il est bon d'étayer ses sources et ses informations. Ce graphique de synthèse a été réalisé par le comité scientifique de l'académie de Nice pour une exposition à destination du public scolaire : on est donc loin de khmers verts qui voudraient la fin de notre monde pétrolier.
Sur le 2e graphique (cliquer sous l'image et agrandir), on retrouve cette même courbe mais on découvre aussi les différentes formes de pétrole et leur évolution. En effet, il existe plusieurs pétroles (et c'est la même chose pour le gaz). Le pétrole conventionnel est le classique, le plus facilement exploitable : on fore dans une poche et le pétrole jaillit. C'est celui-ci que l'on exploite depuis le début du XXe siècle mais celui-ci est quasiment épuisé, le pic est dépassé depuis 2005, on ne trouve plus de nouveaux gisements importants depuis la fin du XXe siècle (graphique de droite) et la production est déjà en chute libre. Or c'est sur celui-ci, facile et rentable, que notre monde pétrolivore s'est construit.
Le mirage des fossiles non conventionnels.
La production mondiale de pétrole ne se résume plus à ce seul pétrole conventionnel. Avec la raréfaction de celui-ci, on s'est mis à exploiter de nouveaux types de ressources pétrolières qui avant ne valaient pas le coup ou plus précisément pas le coût d'exploitation. C'est ce que l'on appelle les hydrocarbures non conventionnels. Il y a tout d'abord les gisements en off-shore profond ou les gisements polaires. Le pétrole est le même mais les conditions d'exploitation (grande profondeur sous la mer ou conditions polaires) rendent l'exploitation plus couteuse et donc moins intéressante. Ensuite viennent d'autres types de pétrole qui posent des problèmes d'extraction et de transformation pour être exploitables. La 3e image montre ces différents pétroles. On trouve déjà les pétroles lourds qui sont très visqueux ce qui les rend très difficiles à extraire. Pour les sables bitumineux comme ceux du Canada, le pétrole est très visqueux et mélangé à du sable. On peut extraire le sable bitumineux comme un minerai mais la transformation est ensuite compliquée pour séparer pétrole et bitume. Les "pétroles" suivants sont encore plus compliqués car ils ne sont pas dans une poche, un réservoir : l'hydrocarbure est disséminé dans la roche elle même. Parmi ceux-ci, les schistes bitumeux ou oil shales sont des sortes de roches de matières organiques non encore transformées en hydrocarbure : il faut donc extraire ces roches, les chauffer fortement (pyrolise) pour finir la transformation et que de l'huile de pétrole s'en écoule. Enfin, le pétrole de schiste est issu d'une roche dans laquelle le pétrole est disséminé. On l'en extrait par fracturation hydraulique, technique couteuse, dangreuse et polluante qui consiste à envoyer sous pression dans la roche de l'eau et des solvants chimiques qui vont casser la roche et concentrer l'hydrocarbure. C'est ce pétrole de schiste par exemple que les USA exploitent depuis le début 2000 et qu'ils voient comme le miracle qui va prolonger l'ère du pétrole, sauf que là aussi ils ont déjà en dix ans dépassé le pic de production et cette ressource aussi se raréfie dans le pays (voir article).
(Pour plus d'infos sur ces pétroles non conventionnels et les gaz non conventionnels non développés ici, un fichier à télécharger).
Les hydrocarbures sous perfusion.
Tous ces hydrocarbures non conventionnels peuvent peut-être prolongés un peu le mirage pétrolier mais ils sont compliqués, coûteux, nocifs pour l'environnement et eux aussi très limités comme le montre le pétrole de schiste et le gaz de schiste américain. Le prix d'extraction du pétrole a été ainsi multiplié par 4 au cours des trente dernières années et par 2 pour le gaz. Il faut descendre de plus en plus profond pour en trouver (1/3 de profondeur en plus pour le pétrole en 50 ans). Enfin et peut-être le plus important : extraire ces hydrocarbures devient de moins en moins efficace et rentable en terme énergétique. Dans les années 1950, pour extraire 50 barrils de pétrole, il fallait utiliser en énergie l'équivalent d'1 barril de pétrole. Aujourd'hui, avec les pétroles non conventionnels, il faut l'énergie de 12 barrils pour en extraire 50. Autrement dit, on utilisait un barril de pétrole pour en extraire 50, on en utilise aujourd'hui 1 pour en extraire 4.
En final, un pétrole rare, en voie de disparition, coûteux à l'extraction en argent et en énergie. Une question se pose : comment se fait-il que cela dure et ce sans véritable augmentation du prix du pétrole? La réponse miracle de tout système moribond : les subventions, qu'elles soient par déduction d'impôts ou par aides directes. Le secteur pétrolier, le secteur économique le plus riche, est paradoxalement sous perfusion de subventions pour maintenir les prix des hydrocarbures bas. Il est aussi un des moins taxés. Dès 1970 par exemple, le gouvernement américain à alléger l'impôt des entreprises pétrolières de 40% par rapport aux autres industries. Les aides directes sont encore plus ahurissantes : selon le FMI, en 2013, les énergies fossiles ont reçu 4900 000 000 000 de dollars (4900 milliards pour ceux que les zéros effraient mais parfois c'est important de les lire pour se rendre compte) d'aides soit près de 7% du PIB mondial ou plus que toutes politiques de santé au monde réunies. Ces aides aux fossiles ne cessent d'ailleurs de croître alors que celles pour les énergies renouvelables au mieux se maintiennent alors qu'elles sont l'avenir et qu'elles devraint déjà être le présent. On en arrive à une aberration dont notre monde a le secret : des milliards de subventions pour maintenir sous perfusion un monde de fossiles vieillissant en gardant artificiellement les prix des hydrocarbures bas. Sans ces subventions, les prix des hydrocarbures seraient bien supérieurs à ceux des énergies renouvelables.
Le pétrole est donc bien fini et ces perfusions de subventions en témoignent. Le pétrole conventionnel est en train d'être épuisé. Les pétroles non conventionnels ne sont pas rentables en terme financier mais surtout en termes énergétiques. Toutefois l'humanité se raccroche à sa drogue favorite et tente coûte que coûte de nier le manque à venir en tentant de maintenir le pétrole à coup de subventions pour maintenir le monde qui va avec. Mais faut-il regretter le monde qui va mourrir avec le pétrole, la civilisation des fossiles?
Pour plus d'infos sur les subventions et les hydrocarbures, un excellent numéro de Datagueule.