Champs De Bataille 5 : 70 Ans De Mauvais Et Déloyaux Services : Bon Anniversaire La FNSEA!

La FNSEA a tenu du 30 mars au 1er avril 2016 son 70e congrès. Si je souhaitais bon anniversaire à cette institution française, le poisson d'avril serait trop évident. Alors au lieu de ça, on va plutôt lui faire sa fête. "On" car cet article n'en est pas un mais plutôt un florilège d'articles qui permettent de se rendre compte de tout le mal que la FNSEA fait à notre agriculture, aux paysans, à l'alimentation, à l'environnement... 

70 ans d'expérience qui feront toujours la différence

Un anniversaire c'est souvent le moment d'un bilan. Pour la FNSEA, son bilan est simple, c'est l'état de l'agriculture en France. Tout ce qui est, elle l'a fait (à part le développement du bio, des circuit-courts, de l'agroécologie, de la permaculture...). En effet depuis sa création en 1946 la FNSEA est le principal syndicat agricole, son dirigeant est le vrai ministre de l'Agriculture, l'officiel n'étant que son porte-parole. Tout ce qui a été décidé par l'Etat en matière agricole est une décision de la FNSEA. De même au niveau européen, la France est le principal état décisionnaire en matière agricole, ce qui fait que la Politique agricole commune est ce que la France a voulu, c'est-à-dire ce que la FNSEA a voulu.
Elle dira le contraire bien sûr mais toutes les décisions de libéralisation, de course à la concurrence, de promotion de l'agriculture industrielle, de développement des pesticides sont de son fait. C'est en effet sa manière d'agir : dénoncer à grands renforts de manifs des agriculteurs de base ce que les dirigeants du syndicat ont décidé et imposé aux ministres et à l'UE.
Comment peut-on l'expliquer? Par sa structure même, la FNSEA n'est pas un syndicat mais dans sa forme une corporation qui rassemble tous les exploitants agricoles. Or ceux-ci ne sont pas égaux et ce sont depuis longtemps les grands chefs d'exploitation agricole qui dirigent le syndicat : gros éleveurs ou grands céréaliers, et même homme d'affaire de l'agro-industrie. C'est comme si les syndicats de travailleurs rassemblaient aussi les patrons et que ce soient les patrons qui dirigent le syndicat. L'intérêt de ces gros exploitants agricoles : la concurrence et la course à la taille, à l'exportation, la baisse des prix, pour écraser leurs voisins ou collègues plus petits. Ses intérêts vont l'encontre de tous les agriculteurs familiaux qu'elle est censée défendre et qui sont les principales victimes consentantes de la FNSEA qu'ils vont pourtant défendre à coup de manifs et d'exactions.
 
Tous les problèmes de l'agriculture française sont donc le bilan de 70 ans de décision de la FNSEA que ce soient les problèmes d'alimentation, d'environnement, de bien-être animal mais aussi de crise agricole , de baisse des prix, de disparition des exploitations, de détresse des agriculteurs qui les poussent toujours plus nombreux au suicide ou à la faillite. La FNSEA est le seul syndicat qui travaille à la disparition de ses membres. En cela, elle mériterait d'être jugée comme le proposaient, il y a peu, un géographe et un philosophe dans les colonnes de Libération dans un article dont je vous propose la lecture :

Crise agricole : traduire la FNSEA en justice ? Par Gilles Fumey, Géographe, chercheur à l'ISCC-CNRS et Olivier Assouly, philosophe, chercheur à l'ISCC-CNRS, spécialiste de l'alimentation — 28 février 2016
A lire sur le site de Libération ou en PDF.      

Sur ce même rôle de la FNSEA dans la crise agricole, un article du site : Champs de bataille 4 : quelle crise pour quels élevages?      

Un projet ambitieux pour l'agriculture

Les erreurs du passé sont donc nombreuses mais le problème principal de la FNSEA est que face à l'échec du modèle qu'elle promeut depuis 70 ans, il n'y a aucune remise en question. Au contraire les remèdes à la crise pour la FNSEA sont des élevages et des fermes toujours plus grands et toujours plus industrialisés avec toujours plus d'investissements pour des prix toujours plus bas, des produits toujours plus mauvais et des dégâts toujours plus grands en terme de santé et d'environnement. C'est ce que montrent plusieurs articles sur les plans de sortie de crise proposés par la FNSEA et acceptés par l'Etat, ou l'inverse : 
- Sur ce site : Les pompiers pyromanes.
- Sur Reporterre.net : Le plan de Xavier Beulin qui va faire disparaître les petits paysans.
- Sur le Huffington post : Crise de l'élevage : les 5 mensonges de la FNSEA.

Cette absence de remise en cause vient toujours du mensonge structurel de la FNSEA dirigée par les gros exploitants ou l'agro-industrie au détriment des petits. En effet cette crise agricole française qui est aussi une crise alimentaire et environnementale pour le reste de la population (voir par exemple l'article sur les méfaits globaux de l'agriculture bretonne Ca sert à quoi un joli paysage?), n'est absolument pas une crise pour ces gros exploitants et l'agro-industrie. La disparition des petits agriculteurs, c'est avant tout moins de concurrence, des terres à racheter à bas prix voire directement captées par l'intermédiaire de filières bancaires, des marchés pour développer l'élevage industriel et globalement un enrichissement et une concentration foncière. Ainsi entre 2000 et 2013 la France a perdu 1/4 de ses exploitations moyennes ou grandes et plus du tiers de ses petites exploitations alors qu'en même temps la taille moyenne des grandes exploitations augmentait d'1/4 (Source : Le Monde). La crise n'est pas pour tout le monde et surtout pas pour les dirigeants de la FNSEA qui sont ces grands exploitants : s'ils continuent d'orienter la politique agricole française ou européenne vers ce modèle, c'est parce qu'il leur profite.

Des méthodes inacceptables

La FNSEA, ce sont donc de très nombreux agriculteurs excédés car à bout professionnellement et moralement à cause de leurs propres dirigeants syndicaux qui les ont envoyés dans le mur et qui continuent de les manipuler. Conséquence : une direction qui pousse ses troupes vers des méthodes d'action inacceptables qu'elle désavoue ensuite et qui enverraient en prison n'importe quels autres syndicalistes, hors FNSEA bien sûr. Le préfet de Bretagne a chiffré à 5 millions d'euros les dégâts faits par les manifestants FNSEA entre mai 2015 et début 2016 pour sa seule région. Certaines manifestations ont vu des agriculteurs torturer des animaux comme des ragondins à Rennes. On ne compte plus non plus les opérations escargots qui bloquent des régions entières pour plusieurs heures mais là personne n'évoque le fait que les citoyens sont "pris en otage", comme c'est le cas à la moindre grève d'un autre secteur. Toutes les manifestations de la FNSEA se caractérisent par cette violence et ces destructions qui sont même directement utilisées par la direction de la FNSEA elle-même. Qu'est-ce donc d'autre qu'un chantage appuyé sur la menace et la violence que l'action de septembre 2015 où la FNSEA a annoncé qu'elle envahirait Paris de tracteurs, qu'il n'y avait pas intérêt à l'en empêcher et que le gouvernement n'aurait alors qu'à plier? Seul argument de tout cela : la violence, et seule raison d'accepter pour le gouvernement la peur de cette violence.
Plus grave encore, cette violence se fait aussi au niveau individuel contre les agents vétérinaires, les agents de l'environnement, tous ceux qui sont chargés de vérifier que le travail est bien fait et sur qui la FNSEA fait pression comme si elle craignait qu'elle et ses agriculteurs travaillent mal. 

Sur tous ces moyens d'action, un reportage de L'autre JT : Quand la FNSEA fait la loi qui montre les pressions subies par un contrôleur environnement dans l'Allier et d'autres actions violentes de la FNSEA.

FNSEA Beulin Avril Sofiprotéol, et les agriculteurs au milieu...

La collusion c'est-à-dire l'entente illicite et secrète est le principe fondamental de fonctionnement de la FNSEA. On a déjà vu ses liens forts avec l'Etat qui font du dirigeant de la FNSEA, le véritable ministre de l'Agriculture français depuis 70 ans et le principal décisionnaire de la Politique Agricole Commune par le biais du gouvernement français. On a déjà évoqué aussi le biais structurel de la FNSEA qui fait qu'elle est dirigée par de grands exploitants ou un agro-businessman dont les intérêts sont totalement opposés à la majorité de ses adhérents. Tous ces liens sont cachés par les oppositions de façade que sont les actions, elles sincères, des adhérents de base. En bref, les dirigeants de la FNSEA font la politique agricole qui les arrange et qui détruit en même temps la grande partie des agriculteurs français en s'appuyant sur les manifestations de ceux-ci. Il n'y a guère de meilleurs exemples des dindons de la farce.
Cette utilisation, cette manipulation des agriculteurs se retrouvait dans une autre collusion au coeur de la FNSEA sous l'ère Beulin. L'ancien dirigeant élu de la FNSEA, Xavier Beulin, était le dirigeant du groupe Avril-Sofiprotéol un trust agro-industriel. Son organigramme ci-dessus montre la considération et la place des agriculteurs dans son esprit et son entreprise. Des céréaliers coincés entre semenciers, vendeurs d'intrants, de matériel et banquiers, et des collecteurs de graines. Des éleveurs coincés entre des vendeurs de protéines et des agro-industries de transformation. Or, de quoi se plaignent à juste titre les militants de  base de la FNSEA? Justement de cette position de dépendance qui les empêchent d'être payés correctement c'est-à-dire pour leur travail. 
FNSEA, Beulin et Avril fonctionnaient ensemble pour faire des agriculteurs de simples maillons d'une chaîne de production dont ils sont la variable d'ajustement.

Pour bien comprendre le rôle de Xavier Beulin, de sa société Avril-Sofiprotéol et la FNSEA, il faut absolument lire la formidable enquête de Reporterre : La grande enquête sur le maître caché de l'agriculture française.




La FNSEA apparait comme le principal problème de l'agriculture française : le modèle agricole vers lequel elle guide l'agriculture française est dépassé, inefficace et délétère sauf pour quelques gros exploitants ou agroindustriels qui justement la dirigent et dupent tous les agriculteurs. Pour ceux-ci, il est peut-être temps de réagir et d'arrêter de suivre et de soutenir ce pseudo-syndicat qui travaille chaque jour et à travers chaque décision à leur perte et à leur disparition. Espérons que 70 ans soit un âge acceptable dans le monde agricole pour que la FNSEA prenne sa retraite et cesse de détruire l'agriculture française. Mais, j'ai des doutes...

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