Salades d'hiver, salades amères

Les salades d'hiver à part le pourpier et la mâche qui ne sont pas botaniquement des salades, sont toutes des chicorées , c'est-à-dire de la famille de l'endive, et partagent avec elle un certain penchant pour l'amer ce qui peut gêner. L'amer est en effet un goût particulier. Le sucré par exemple est inné alors que l'amer doit s'apprendre et s'apprécie souvent plus tard. Je vous invite donc à découvrir ce goût délicieux en cuisinant nos magnifiques salades d'hiver. Comment faire de magnifiques salades en équilibrant leur amertume? Comment utiliser en légumes ces salades qui grâce à leur goût et leur texture ne doivent pas être cantonnées au saladier?
Il serait en effet dommage de se priver de ses merveilles qui ont la gentillesse de nous nourrir l'hiver quand la grande famille des laitues nous abandonne.

Equilibrer les salades d'hiver

La première idée quand on trouve une salade trop amère est de faire disparaître cette amertume. Il y a deux façons. La première est de faire tremper la salade épluchée et coupée dans de l'eau pour évacuer une partie de la sève qui contient cette amertume. En faisant cela on perd aussi les autre saveurs de cette salade ce qui est dommage. La deuxième est de l'atténuer en mélangeant avec d'autres salades plus douces et en hiver ce sont le pourpier d'hiver et la mâche principalement.
Plutôt que de faire disparaître l'amer on peut aussi essayer de l'équilibrer car c'est souvent l'excès d'amer que l'on n'aime pas et non l'amer lui-même.  Parmi les 4 autres goûts : salé, sucré, acide et umami, quels sont nos alliés pour équilibrer nos salades hivernales?
Le salé  ne fonctionne pas et les deux s'aident plutôt l'un l'autre comme le montre la tradition scandinave du réglisse salé, où l'amer du réglisse est renforcé par le sel.

Le sucré fonctionne, comme on le fait pour atténuer par exemple l'amertume du pamplemousse. Il n'est bien sûr pas question de sucrer nos salades mais d'utiliser quelques ingrédients sucrés de saison dans notre salade : pommes bien sûr mais pourquoi pas des grains de raisins, des morceaux d'oranges ou des lamelles de betterave cuite qui feront merveille apportant en plus du sucré un goût plus profond.

L'acide est contrairement à ce que l'on pourrait penser un très bon allié pour équilibrer l'amer. C'est pourquoi nos salades d'hiver, plus que les laitues, ont besoin de vinaigrette acide avec des vinaigres assez francs : cidre, vin et pourquoi pas framboise. Ma préférence va à celui de cidre car il n'est pas rouge évitant ainsi de teinter le blanc ou le jaune de nos salades. Ces vinaigrettes hivernales ont aussi besoin d'une bonne moutarde fine qui va donner de l'acide et de la consistance à la vinaigrette pour qu'elle enrobe bien ces feuilles souvent plus torturées et plus rigides. Dans la même idée on peut remplacer l'huile en partie par une crème liquide un peu acide et plus légère. En dehors de la sauce, on peut aussi rajouter des éléments acides comme les pickles de betterave, le piquant des radis roses ou des radis d'hiver, ail, oignon ou échalotte hachés...

L'umami est un goût japonais, c'est-à-dire identifié par les japonais mais qui existe dans toutes les cuisines. C'est le goût confortable ou savoureux, selon la traduction choisie que l'on retrouve dans les bouillons de volaille et qui procure  cette sensation confortable et durable. Il se retrouve par exemple dans les plats associant poireaux et bouillon (voir la fiche poireau) et vient de l'association de certains ingrédients. C'est celui qui est à la base de la frisée aux lardons, de l'habitude à mettre de l'oeuf (surtout mollet pour le jaune liquide) dans ces salades. On peut donc rajouter lardons, oeufs, gésiers confits, foies de volailles, poissons fumés,... tous ces produits animaux qui apportent cet umami et équilibre l'amer. Dans la même idée les fromages en dés et le gras qu'ils apportent véhiculent l'umami : comté, cantal, roquefort et tous les autres... On peut aussi utiliser du bouillon de volaille réduit ou un reste de jus de viande (à la place de l'huile), de la sauce sauce soja (à la place du sel) ou du nuoc-nam pour assaisonner sa vinaigrette. En Moselle l'arôme Maggi ou le vianox viennent apporter cette saveur dans les vinaigrettes, mais personnellement je le trouve un peu trop brutal. Les fruits secs torréfiés le permettent aussi : noisettes, noix, amandes voire cacahuètes passées quelques secondes à la poêle ou simplement l'utilisation d'une huile noix ou noisette ou les délicieuses huiles de la ferme de Villatte. Enfin de jolis petits croutons frits maison bien salés et poivrés feront aussi l'affaire.

Enfin une pratique est intéressante pour ces salades hivernales, les vinaigrettes chaudes. On fait revenir quelques lardons ou simplement un peu d'oignon ciselé pour avoir une belle caramélisation, on déglace avec du vinaigre et on fait réduire complètement et on rajoute un peu de bouillon, voire de sauce soja et on verse soit  directement sur la salade, soit dans un bol pour émulsionner avec un peu de moutarde et d'huile puis sur la salade que l'on sert immédiatement.

Il s'agit donc d'équilibrer l'amer dans nos salades en jouant sur ces goûts et ces ingrédients sans pour autant transformer notre salade du soir en salade composée. On prend un élément de chaque goût soit dans la salade soit dans la sauce et notre salade est équilibrée. Ainsi une salade est équilibrée simplement en rajoutant quelques noix, quelques morceaux de pommes et une vinaigrette moutardée : on retrouve l'umami (noix et huile), le sucré (pomme) et l'acide (moutarde et vinaigre de cidre) qui suffise à équilibrer l'amer. Cela ne prend que quelques secondes et permet d'avoir une salade pleine de vitamines et d'oligoéléments quand nous en avons tant besoin en hiver. 
Pour vous aider, les ingrédients sont en vert et rangés par goût, alors composez maintenant et variez les plaisirs.

Des salades en légumes

Tous ces salades d'hiver plus charnues et plus amères que les laitues des temps chauds présentent aussi un avantage. Quand les laitues restent salades car elles sont fragiles et fondent à la cuisson, nos amies chicorées peuvent se cuisiner en légumes qu'elles soient Trévise (photo), pain de sucre, scarole, frisée... dans toutes les recettes suivantes (en remplaçant le légume de la recette).
La première façon est simplement de les faire cuire à la poêle, juste tombées comme des endives minutes ou plus longuement comme des endives braisées mais sans les couvrir. Ces salades sautées font merveille avec les plats un peu riches de l'hiver que ce soit les volailles rôties ou les sauces brunes.  On les accommode ciselées dans les soupes asiatiques ou dans des plats de pâtes comme les spaghettis aux pissenlits, ou dans un risotto au radiccio (nom italien de la Trévise). Ces salades font aussi merveille en pizza que ce soit crue comme dans la pizza à la roquette ou cuite sur ma pizza préférée la pizza à la salade. On peut les cuisiner aussi très rapidement à la bagna cauda, en faire une soupe selon la recette de la soupe italienne de bettes, les intégrer ciselées dans une omelette comme dans l'omelette aux cornes de cerf. Enfin il existe une recette italienne, le radiccio al forno, une de mes recettes favorites qui transforme les Trévise, les pains de sucre ou toutes leurs consoeurs en plat magnifique.

Les salades d'hiver sont donc des petits trésors de la saison froide et leur goût amer doit être découvert car il serait dommage de passer en côté. Les moyens sont nombreux pour l'équilibrer dans les salades en jouant sur la sauce et les ingrédients pour introduire les autres goûts, sucré, acide, umami qui vont atténuer l'amer. Par ailleurs, ces salades doivent aussi être cuisinées parce qu'elles sont de véritables légumes.

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