Les mots de la campagne
Dans la campagne municipale on parle enfin d'agriculture et d'alimentation, alors de nouveaux mots apparaissent dans le débat public.
Alors un petit point de lexique s'impose car derrière des mots, il y a des réalités. C'est ce que propose cette rubrique. Définir les mots de la campagne qui deviennent aussi ceux de la campagne.
Agriculture conventionnelle, biologique ou raisonnée : quelles différences?
Légalement, ces trois types d'agricultures se différencient principalement par leur usage des produits chimiques de synthèse, comme pesticides ou engrais.
L'agriculture conventionnelle, dite classique par ses défenseurs ou chimique par ses opposants, utilise les produits chimiques de synthèse comme engrais et pesticides, mais dans les limites de la loi. En effet, certains pesticides de synthèse sont interdits en conventionnelle en raison de leur toxicité : atrazine, DDT... Les autres produits autorisés peuvent être utilisés à l'envie ou selon les besoins de l'agriculteur.
L'agriculture biologique, elle, interdit les produits chimiques de synthèse, pesticides et engrais. Chaque production agricole possède un cahier des charges spécifique que l'agriculteur doit respecter. Seules quelques substances reconnues inoffensives sont autorisées dans certaines productions avec des doses limitées et des prescriptions d'usage. Le respect du cahier des charges est contrôlé annuellement par un organisme certificateur (inspection, audit, analyse des produits) à la charge du producteur. C'est en fonction de ces contrôles qu'il obtient son label qui peut être remis en cause à chaque visite. Il y a donc une réelle garantie quant aux pesticides et engrais chimiques de synthèse.
L'agriculture raisonnée, moins connue, est entre-deux, mais qu'est-ce que cela veut dire? C'est un label organisé, comme l'agriculture biologique, avec un cahier des charges et des organismes certificateurs. Toutefois le cahier des charges n'a rien à voir. Il se compose de 103 critères mais ces critères sont pour la moitié la seule reprise de la loi générale qui régit l'agriculture conventionnelle. Pour les 17 critères qui ont trait à l'utilisation des pesticides par exemple, 8 reprennent la loi générale et les autres ne sont que du simple bon sens : observer l’état sanitaire des cultures avant de traiter, faire un inventaire annuel des stocks de produits phytosanitaires, être abonné à un service de conseil technique, être en mesure de vérifier le bon fonctionnement du pulvérisateur et de l’entretenir, avoir un dispositif évitant une contamination de la source d’eau utilisée pour le remplissage… Donc le label agriculture raisonnée n'est pas contraignant à la différence du bio et ne garantit rien d'autre qu'une seule chose : l'agriculteur a utilisé pesticides et engrais chimique de manière raisonnable, c'est-à-dire comme il pense cela raisonnable, c'est-à-dire comme il veut. Dans son rapport aux pesticides et engrais chimiques, l'agriculture raisonnée est donc semblable l'agriculture conventionnelle : rares sont en effet les agriculteurs conventionnels qui arrosent sans besoin leurs champs de ces substances, ne serait-ce qu'en raison du coût de ces substances. L'agriculture raisonnée est donc problématique car elle a une apparence de label mais sans aucune véritable contrainte et qu'elle autorise, sous des apprences de vertus, des conduites comparables à celles de l'agriculture conventionnelle. Cela n'a d'ailleurs rien d'étonnant car à l'origine de cette qualification se trouve la FARRE (Forum pour une agriculture responsable et respectueuse de l'environnement) financée à 80% au départ puis à 50% en suite par l'UIPP, union des industries pour la production des plantes, une association de lobbying des entreprises commercialisant des pesticides en France.
Même si certains agriculteurs en agriculture raisonnée essaient de faire avec moins de chimie, comme d'autres en conventionnelle, seule la labellisation en Agriculture biologique garantit un véritable effort pour l'alimentation, la santé et l'environnement et peutêtre la base d'un territoire nourricier et écologique.
Cette réflexion sur la labellisation peut se poursuivre avec la lecture de l'article "A mort le bio, vive le chimique!" sur ce même site, ainsi qu'un article sur les différents labels (dont est tiré l'image) : Alimentation responsable : à quels labels se fier ?
Biologique et local, des alliés, pas une alternative.
Lorsqu'on évoque une agriculture biologique et locale, il y a toujours des voix qui s'élèvent pour dire "plutôt local que bio" ou "plutôt bio que local". Opposer les deux, les voir comme une alternative, comme un choix où l'on doit montrer sa préférence est une erreur profonde quand on veut créer un territoire nourricier et écologique.
S'il semble évident qu'il n'est pas souhaitable en terme de transport, et donc de gaz à effet de serre, de nourrir un territoire de bio venu de loin, la réflexion sur une agriculture locale non bio est souvent moins poussée. Imaginons que l'on décide de nourrir une ville comme Montluçon par les producteurs locaux travaillant en agriculture conventionnelle c'est-à-dire utilisant des intrants chimiques. Pour l'instant, campagne et environnement de Montluçon sont relativement préservés des pesticides car c'est une terre d'élevage extensif en bocage. Ce mode d'agriculture maintient un bon niveau de biodiversité et peu de pollution aux pesticides.
Pour nourrir la ville, il faut installer d'autres productions : maraichage, céréales, arboriculture... qui en agriculture conventionnelle utilisent beaucoup de pesticides et d'engrais. On aurait donc un effet contraire à celui d'un projet de territoire nourricier et écologique. En effet, ces intrants chimiques entraineraient des pollutions chimiques des nappes d'eau et une chute de biodiversité sans même parler des problèmes de santé liés à ces produits. Produire local sans produire bio c'est décider de polluer son propre environnement et cela ne semble donc pas une bonne idée. Et ne parlez pas d'agriculture raisonnée l'article ci-dessus montre que cela ne veut rien dire.
Il ne faut donc pas opposer bio et local, ni les voir comme une alternative ou choix. Le bio non local c'est du transport et le local non bio c'est détruire son propre environnement. Au contraire dans un projet de territoire nourricier il faut les associer de manière indéfectible : on garantit ainsi, sa santé, son alimentation, son environnement et à une échelle plus large on évite les émissions des GES. Tout est donc positif et ne pose pas de problème car le bio local et paysan peut produire autant voire plus que l'agriculture conventionnelle en soignant l'environnement au lieu de le détruire.
Alors, entre bio et local, on n'a pas le choix, il faut prendre les deux ensemble : bio et local qui sont les deux jambes d'un territoire nourricier qui marche.
Pour aller plus loin :
Le changement climatique, le GIEC et le panier ou comment manger de saison, brut, diversifié, local, bio et circuit-court permet de réduire des 3/4 nos GEs alimentaires et de 22% notre empreinte carbone. (Cet article a été utilisé par Urgenci, l'association internationale des Amap pour défendre à l'ONU l'inscription des amap parmi les moyens de lutter contre le changement climatique ODD13.)
Pour une alimentation, biologique, locale et juste, pouraller plus loin dans l'idée que bio et local sont liés.