S’il est vrai que localement des chasseurs peuvent participer à des actions favorables à l’environnement comme des plantations de haie, ils n’agissent que dans l’intérêt du gibier et de la chasse et pas de l’environnement ou de la biodiversité: la haie servira le gibier donc la chasse. En effet pour un chasseur, un bon animal est un animal que l’on peut tuer et la biodiversité à préserver n’est qu’une biodiversité chassable, pas la biodiversité en général. Ainsi les fédérations départementales pyrénéennes de chasseurs se sont opposées à la réintroduction du bouquetin dans leurs départements au seul motif que le bouquetin n’est pas chassable en France et risquerait de contaminer ou de concurrencer le chamois qui, lui, est chassé. On voit là le niveau d’amour de la biodiversité des chasseurs.
Pour le reste, cet amour de la biodiversité de nos « premiers écologistes de France » se retrouve aussi dans la liste des espèces d’oiseaux chassables en France. Il y a 65 espèces d’oiseaux chassables en France métropolitaine alors que les autres pays européens n’autorisent à la chasse en moyenne que 39 espèces. Ces 26 espèces supplémentaires laissées aux chasseurs hexagonaux s’expliquent par le fait qu’en France on chasse les espèces menacées d’extinction: 20 espèces d’oiseaux chassables en France sont en effet des espèces de la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) car considérées comme des espèces menacées. Ces espèces sont protégées dans les autres pays européens et comme ce sont principalement des migratrices, elles sont tirées lors de leurs migrations ou de leur hivernage en France. En effet, 20% des prises annuelles des chasseurs français sont des oiseaux migrateurs terrestres et 13% est du gibier d’eau, en grande partie migrateur lui aussi, selon les chiffres de la FNC elle-même. Pour voir toutes ces espèces chassables, le site de la FNC propose de jolies photographies de ces espèces car il est nécessaire d’identifier le gibier chassé. Les premiers écologistes sont donc avant tout les premiers décimeurs de la biodiversité françaises chassant les espèces vulnérables et fragiles.
Parmi celles-ci se trouve la tourterelle des bois classée vulnérable par l’UICN, protégée partout en Europe et dont la population a été divisée par 5 entre 1980 et 2015. La France la reconnaît vulnérable mais chassable avec une confusion qui ne s’explique que par le lobbying des chasseurs. Le comité scientifique du Plan Biodiversité de 2018 recommande de ne plus la chasser du tout en raison de la chute de sa population (-80% en 40 ans). Dans la foulée et de manière totalement contradictoire, un arrêté ministériel autorise le tir de 30 000 oiseaux annuels. A partir de 2019, un autre arrêté fixe des autorisations annuelles: 18000 pour 2019-2020, 17460 (soyons précis dans le carnage!) pour 2020-2021*. Donc cet animal en déclin hyper rapide, protégé partout, peut être chassé avec l’aval du ministère de la Transition écologique qui gère aussi la chasse. De toutes façons, ces limitations ne sont que des faux-nez puisque le comptage des animaux tués est laissé aux chasseurs eux-mêmes qui doivent déclarés sur une application les tourterelles des bois tuées. On voit là une aberration complète: confier à un chasseur qui a décidé de chasser un oiseau en voie de disparition le soin de déclarer ceux qu’il a tués en risquant de s’empêcher d’en tirer plus. Ces dispositifs n’ont donc aucune chance de sauver la tourterelle des bois puisque, de toutes façons, ils ont comme unique but de sauver la chasse à la tourterelle des bois.
L’argument des chasseurs premiers écologistes de France n’a donc pas fonctionné et à raison, si ce n’est auprès du ministère de la Transition écologique pour pouvoir céder tête haute au lobby de la chasse et de quelques élus locaux comme Laurent Wauquiez qui, en Auvergne-Rhône-Alpes a confié biodiversité et environnement aux chasseurs en même temps qu’une grosse enveloppe financière au début de son premier mandat (article). Ce faux-nez du chasseur écologiste a cependant été la base de l'argument central actuel des chasseurs: celui de la régulation des espèces, un argument aussi à mettre en question.
(*Un moratioire est mis en place pour la saison 2022 mais toujours pas d'interdiction)
A l’argument écologiste, trop risible pour être crédible, a succédé dans la stratégie offensive de la FNC et de son président, l’argument de la régulation. Il est important car il est la légitimation fondamentale, la pierre angulaire de tout le discours pro-chasse. C'est lui qui autorisait par exemple les chasseurs à pouvoir sortir en plein confinement. L'argument est le suivant : c’est à la chasse et aux chasseurs de réguler les espèces et d’éviter les proliférations par des «prélèvements de régulation». On voit bien l’évolution du discours: la chasse était un loisir, elle devient une fonction sociale, une nécessité, les chasseurs ayant la mission de réguler les écosystèmes et de protéger les campagnes des animaux (nuisibles). Ce terme est entre parenthèses car la nuisibilité ne veut rien dire en écologie, chaque espèce ayant ses fonctions dans l'écosystème. Si on l’enlève de la phrase on voit déjà le non-sens poindre : les chasseurs protègent la campagne des animaux, ce qui ne veut pas dire grand chose. Toutefois l'argument de la régulation est au coeur du discours pro chasse et il faut voir si cet argument n'est pas lui aussi mensonger car tout ce qui semble reposer sur le fameux «bon sens» ne repose bien souvent sur aucun fondement si ce n’est la paresse intellectuelle. Alors, si l’on creuse un peu, quels sont les gibiers tués par les chasseurs français qui pourraient faire d'eux des régulateurs?
Réguler des espèces en tension?
On trouve la répartition ci-contre en image sur le site de la FNC et j'ai donc repris leurs chiffres pour ne pas subir de querelles sur les chiffres ce qui ne changera pas grand-chose à l'analyse. On a déjà vu que 20% étaient des migrateurs terrestres et 13 % du gibier d’eau, c'est-à-dire pour 33% des espèces d'oiseaux en tension et qu’il n’y a pas à réguler si ce n’est en les favorisant et en arrêtant de les chasser pour les laisser se développer. A ces espèces qu’il n’y a pas à réguler s’ajoutent pour 4 % les gibiers de montagne, petits et grands : chamois, mouflons, marmottes, lièvres variables, lagopèdes, grands tétras et tétras-lyre… Si l’on additionne on se retrouve déjà avec 37% des prises qui sont des espèces en tension plutôt à laisser se développer qu’à détruire : nos écologistes régulateurs font donc le contraire de ce qu’il faut pour ces espèces.
Réguler du gibier d'élevage?
Le petit gibier sédentaire représente quant à lui 32 % des animaux tués en France selon la FNC : lapins, lièvres, perdrix, pigeons, faisans… Là encore ces espèces sont loin de proliférer et d’être un danger pour nos campagnes et, ce, à tel point que ces animaux sont avant tout des animaux d’élevage, élevés, lâchés pour être tués. Cette vérité est connue mais son ampleur l’est moins comme le montrait un article La chasse nuit à la biodiversité: «« 20 millions d’animaux sont élevés chaque année pour la chasse, c’est autant que les cochons pour la viande », indique Pierre Rigaux, qui précise qu’une partie sont exportés. Le Syndicat national des producteurs de gibier de chasse a dénombré quelque 1500 élevages d’où sont issus 14 millions de faisans, 5 millions de perdrix grises et rouges, 1 million de canards colverts, 100.000 lapins de garenne, 40.000 lièvres, 10.000 cerfs et 7.000 daims. En tout, un tiers des 30 millions d’animaux tués chaque année seraient issus d’élevages». Parmi ces espèces élevées, principalement du petit gibier sédentaire, ces 32% des prises annuelles, qui ne devraient donc pas être chassées puisqu'on les produit pour les chasser, ce qui n'est pas de la régulation.
Un grand gibier en expansion pour des raisons complexes
Nous voila donc avec 69% des animaux tués par les chasseurs, plus des deux tiers, qui n’ont rien à voir avec la régulation, soit avec des populations fragiles, vulnérables ou protégées, soit avec des populations sortant d’élevage… Le faux-nez du chasseur régulateur en prend un coup mais il reste encore 31% des prises selon la FNC qui sont du grand gibier et souvent l’argument central des chasseurs : cerfs, chevreuils, sangliers… Ces populations sont en effet en progression. Les raisons de celle-ci sont complexes : réchauffement climatique qui favorise les fruits forestiers (faînes, glands et châtaignes) dont ils se nourrissent et qui donne des saisons plus longues permettant une deuxième mise bas annuelle, absence de prédateurs naturels pour les adultes… Certaines viennent aussi des chasseurs eux-mêmes. Pendant les années 1970, la raréfaction du petit gibier de plaine en raison de la surchasse a poussé les chasseurs à se tourner vers ces grands animaux, auparavant peu présents et peu chassés. Il s’en est suivi une stratégie de développement de ces gibiers, principalement des sangliers: élevés et relâchés, agrainés et nourris dans la nature.
Le cerf, l'ONF et la forêt.
Parmi ces 3 espèces, les cerfs et chevreuils posent moins de problèmes à l'agriculture mais gênent la politique de l'ONF qui veut une production "industrielle" et très rentable de bois dans nos forêts. Or cerfs et chevreuils adorent manger les jeunes, pousses, bourgeons et écorces tendres. Dans une forêt normale c'est utile et cela permet de limiter le nombre de jeunes plants qui se développent et évite d'assombrir ou d'encombrer le sous-bois. Dans des parcelles plantées pour produire du bois, c'est problématique en terme de rentabilité puisqu'on veut que chaque plant donne un arbre abattu 20 ans plus tard pour être vendu. Toutefois on peut se poser ici la question essentielle de quelle forêt voulons-nous car il est vrai que les ongulés sont génants dans des parcelles de production de bois mais ne le sont pas dans une forêt normale constituée principalement de grands arbres hors de danger et de jeunes pousses surabondantes dont seules quelques unes ont vocation à donner des arbres. Enfin la répartition des cerfs est très irrégulière et une vraie régulation pourrait être de piéger les cervidés pour les déplacer aux endroits où ils sont peu nombreux puisque l'empreinte humaine sur le paysage empêche ces migrations qui se feraient naturellement sinon.
Le sanglier, bête noire de la régulation.
Les sangliers peuvent, eux, poser des problèmes en agriculture car l'hiver, quand la forêt les nourrit moins, ils sortent dans les champs proches pour se nourrir de vers ou graines qu'ils fouissent dans le sol ravageant les parcelles. Reste que la régulation de cette espèce par les chasseurs est loin d’être évidente. En effet, les pratiques d'agrainage continuent, faites par les chasseurs pendant la période maigre. Le prétexte: éviter que les sangliers aillent dans les cultures en les nourrissant ailleurs, on parle d'agrainage dissuasif. La conséquence réelle: un soutien de la population de sanglier qui n'est plus limitée par cette disette d'hiver et qui est en même temps favorisée en pleine période de rut (décembre février), car la disponibilité alimentaire au moment du rut est un facteur de fécondité d'une espèce animale. De même, les chasseurs ne jouent pas toujours pleinement leur rôle affiché de régulateurs. Ils procèdent souvent à des tirs sélectifs qui consistent à tirer les vieux mâles prestigieux et les jeunes plus tendres et savoureux. Or pour éviter une prolifération de l'espèce, ce sont les laies adultes qu'il faudrait tuer. Une laie c'est une ou deux portées de 6 marcassins par an alors que tuer des jeunes et des mâles ne change rien à la prolifération de l'espèce. Par ailleurs les chasseurs pensent par territoire de chasse et non par objectif global. Même s'ils sont censés réguler, ils préfèrent ne pas mettre en péril le sanglier sur leur territoire pour conserver ce plaisir du tir et la satisfaction de la chasse facile avec un gibier abondant, la gloire du tableau de chasse. Par ailleurs, ils ont bien compris que la bête noire, le sanglier, était la seule validation de leur rôle prétendu de régulateur : plus les effectifs de sangliers sont hauts, plus leurs dégâts sont visibles, plus la chasse reste validée par le fameux "bon sens" alors que l'examen actuel que nous faisons montre qu'il n'en est rien, puisque depuis que les chasseurs chassent le sanglier, ces populations ne cessent d'augmenter en grande partie de leur faute. S'il faut réguler les sangliers en l'absence de prédateurs, on peut se poser une question: est-il raisonnable de confier cette régulation aux chasseurs qui sont les alliés objectifs du sanglier puisque plus il y a de sangliers, plus la chasse semble légitime? D'autres pays on choisit d'autres solutions. En Allemagne, c'est l'armée qui est chargée de cette régulation dans des postes de tirs. On peut aussi développer le piégeage qui consiste à piéger les animaux là où ils font des dégâts avec des cages et ils sont ensuite exécutés. Rien n'oblige donc à choisir la solution française de la chasse qui ne marche pas puisqu'au bout de 40ans de régulation du sanglier par les chasseurs, les effectifs et les dégâts n'ont jamais été aussi importants.
Les nuisibles ou ESOD, des espèces "régulées" à réévaluer.
A côté du sanglier, les chasseurs "régulent" aussi les espèces "nuisibles". Ce caractère de nuisibilité ne signifie rien en écologie et même la législation française l'a supprimé en 2019 pour lui substituer celui d'ESOD, Espèces Susceptibles d'Occasionner des Dégâts. Parmi celles-ci, on trouvera le renard, les mustélidés (blaireau, belette, putois, fouine, martre...), les rats musquées et ragondins, les pies, corneilles noires, corbeaux freux, geais des chênes, étourneaux sansonnets mais ces listes sont changeantes et sont départementales en fonction des dégâts déclarés (voir arrêté). Ainsi le putois, espèce vulnérable et protégée en Europe a été heureusement sorti de cette liste au niveau national en juillet 2021. Certains départements ont aussi supprimé l'autorisation de destruction des renards car tous ces ESOD sont aussi des animaux dont il faut souvent revoir de manière scientifique l'impact. Le renard reste le meilleur exemple. Les chasseurs, par tirs, piégeages et déterrages en tuent entre 500000 et 600000 par an. Le prétexte du voleur de poules ne tient plus face au rôle fondamental qu'il joue comme prédateurs de rongeurs. Un renard peut manger 6000 rongeurs par an soit 20 par jour environ à l'heure où les pullulations de campagnols posent de nombreux problèmes. On en arrive donc à des contradictions aberrantes : pourquoi les chasseurs tuent-ils 500 000 renards par an qui auraient pu eux éviter 3 milliards de rongeurs? On se retrouve dans un cas où les pseudos régulateurs régulent de vrais régulateurs...
Il est le temps d'un petit bilan de cette fonction de régulation des chasseurs qui légitime leur existence et leur donne un fonction sociale. L'essentiel du gibier français, des 30 millions d'animaux tués annuellement, n'ont pas à être régulés. Entre les espèces en tension qui sont élevées pour être lâchées et tirées, les ESOD dont le statut est en réévaluation et les espèces vulnérables qui sont autorisées à la chasse en France et protégées partout, il ne reste véritablement que le sanglier au coeur de cette fonction de régulation. Or cette régulation du sanglier par les chasseurs est peu efficace, pour le moins, et pourrait être faite par d'autres moyens. La chasse du sanglier qui est majoritaire dans la communication de la FNC est en fait très minoritaire. Pour la saison 2019-2020, selon les chiffres du Chasseur français (qui n'est pas forcément anti-chasse), 809000 sangliers, 70 000 cerfs élaphes et 587000 chevreuils ont été «prélevés» sur 30 000 000 d’animaux tués par les chasseurs soit à peine 5%, avec seulement 2,7 % de sangliers.
Toute la chasse française se justifie donc par moins de 3% du gibier français que les chasseurs sont censés réguler si l'on considère les sangliers seule espèce vraiment problématique. 97% des animaux tués par la chasse française chaque année le sont donc hors de toute fonction régulatrice voire contre une régulation saine qui consisterait à laisser des espèces vulnérables ou fragiles se redévelopper. Ce sont donc 97% des animaux tués en France qui ne le sont que pour le plaisir des chasseurs soit 29 millions d'animaux victimes de la chasse.
L'argument de la régulation n'est donc qu'un mensonge qui légitime la chasse, ses accidents, 29 millions d'animaux tués sans aucune nécessité et la plupart des espèces françaises mises en péril. Une chasse vraiment régulatrice ne concernerait aucun oiseau à part peut-être localement le pigeon ramier et une seule espèce principale : le sanglier. On est bien loin de ça et l'argument régulateur n'est donc qu'un faux-nez que Willy Schraen, l'ancien président de la FNC, a enlevé quelques instants en public le 9 novembre 2021. Invité aux Grandes Gueules sur RMC, Willy Schraen a répondu à son interlocutrice : «Tu penses qu’on est là pour réguler… Mais tu n’as pas compris qu’on prend du plaisir dans l’acte de chasse ? [Tuer], ça en fait partie. Tu crois qu’on va devenir les petites mains de la régulation […]. Moi mon métier c’est pas chasseur, j’en ai rien à foutre de réguler»...
Ci-dessous une infographie sur la répartition du gibier sur l'année 2013-14 concernant uniquement la chasse au tir (manquent : chasse à courre, chasses traditionnelles et piégeages, vénerie sous terre, chasse au vol)
C'est la question fondamentale que la FNC ne veut absolument pas que la société française se pose. Tous les arguments développés depuis des années par la FNC et que nous avons passés en revue, ne servent qu'à l'éviter : chasseurs-écologistes, régulation des espèces, représentation de la ruralité, police rurale... Toutes ces idées nombreuses et inventives, il faut le reconnaître, ne servent qu'à cela : donner une légitimité autre à la chasse que celle d'être seulement le loisir criticable d'un petit nombre de gens. Or aucun de ces arguments ne tient. Les chasseurs n'ont rien d'écologistes puisqu'une grande partie de leurs proies sont des espèces vulnérables. Les chasseurs ne régulent pas les espèces puisque les espèces animales doivent au contraire se développer face à l'effondrement de la biodiversité et non être prélevées. La seule espèce à réguler, le sanglier, l'est mal par les chasseurs et ne représente que 2.7% des bêtes abattues alors qu'elle légitime toutes les autres espèces abattues a contrario de ce qu'il faudrait pour leur bon développement. Enfin dans le canton de Genève où la chasse est interdite depuis 1974, le problème des sangliers n'est pas plus fort qu'en France et est géré par des garde-chasses. Quant aux chasseurs qui représenteraient la ruralité, c'est là aussi un faux-nez : ils sont moins de 4% des ruraux et leur vision d'une ruralité centrée sur la mort animale est à l'opposé des valeurs des autres ruraux dont ils empêchent la vie et les activités pendant 6 mois par an.
La chasse n'est donc qu'un loisir sans autre légitimité, le loisir d'1,03 millions de français (chiffre FNC) sur 67 millions soit 1.5% de la population française. De nombreux loisirs ont moins de pratiquants que la chasse et ce n'est pas obligatoirement le nombre qui légitime un loisir. Toutefois la chasse n'est pas un loisir comme les autres car le comportement des chasseurs et le danger réel qu'ils représentent, gênent voire empêchent l'usage de la campagne et de la nature par les ruraux et par les autres usagers.
C'est donc une question politique, celle du partage d'un espace publique. Dans tous les domaines, pour cette question de partage d'un espace, la loi suit le principe simple : "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui" (Déclaration des droits de l'homme de 1789). Ce principe s'oppose donc à cette chasse qui prive le plus grand nombre d'un espace au profit d'un petit nombre. Exemple plus concret encore de partage d'un espace: la route. Dans ce cas, on écarte le danger : on interdit le loisir de celui qui voudrait rouler vite car il présente des risques pour tous les autres. Dans le cas de l'espace rural et de la chasse, on fait le contraire. On accepte le loisir d'un petit nombre même s'il est dangereux et contraignant pour tous les autres.
Comme toute question politique, elle peut se régler de deux façons, par la force ou par la démocratie. Pour l'instant la question de la chasse et du partage de l'espace rural se règle par la force à travers le lobbying politique de la chasse comme nous l'avons vu. Ce lobbying doit éviter toute discussion sur la chasse c'est-à-dire tout début d'approche démocratique car il serait défavorable. En effet, les sondages des dernières années sont tous unanimes pour par exemple interdire la chasse le dimanche comme le montre l'image, mais aussi tout le week-end. Le sondage Ifop de novembre 2021 montrait que 69% des français sont pour l'interdiction de la chasse le week-end. Ce sondage montre d'ailleurs que les ruraux sont 63% à ne plus vouloir de chasse le week-end et qu'en cela ils sont loins de considérer les chasseurs comme leurs champions mais au contraire comme des empêcheurs de vivre paisiblement à la campagne. Autre apprentissage intéressant : cette volonté d'interdiction de la chasse le week-end est majoritaire quelques soient les opinions politiques des interrogés. Ainsi "90% des sympathisants Europe-Ecologie-Les Verts sont pour l'interdiction. On compte 80% de personnes favorables du PS, 70% de La France Insoumise, 56% des Républicains, 70% du Rassemblement National et 71% de LREM". La logique électorale et le jeu démocratique voudraient donc que tous les partis portent cette interdiction si ce n'était le lobbying forcené de la FNC.
Il est donc impératif et juste de remettre la chasse à sa place en tenant compte simplement de la volonté de la population et des impératifs environnementaux. Interdire la chasse le week-end est demandé par la majorité, y compris rurale et quelques soient les opinions politiques. Cette mesure permettra simplement de rendre nature et campagne à 98.5% de la population qui s'en voit privée par le comportement dangereux ou menaçant d'1.5% de chasseurs. Interdire les autres chasses que celles des espèces en surnombre c'est-à-dire principalement voire uniquement le sanglier, car l'effondrement de la biodiversité est incompatible avec la chasse des autres gibiers qui sont des espèces fragiles soutenues par l'élevage ou des espèces vulnérables protégées partout. C'est à ces conditions que la chasse peut être un loisir que notre société accepte encore sans qu'il gêne la vie des populations et mette en péril la biodiversité. Sans ces conditions, notre société a le droit de refuser démocratiquement ce loisir puisqu'il pose un problème écologique, un problème de confiscation de l'espace publique et même de l'espace politique par son lobbying.