Le panier et la poubelle
Une telle évolution invite à se plonger dans nos poubelles pour voir comment produire moins de déchets.
(Pour découvrir le travail de francisco de Pajaro, cliquez sur l'image)
Un petit plongeon dans nos poubelles
Partons d'un constat d'ensemble : en 50 ans, nos poubelles ont pris beaucoup de poids. On est passé de 220 kg par habitants et par an en 1960 à 450 kg par habitants et par an en 2000, soit deux fois plus. Aujourd'hui chaque français produit plus d'une demi-tonne de déchets annuels.
Ces chiffres ne tiennent compte que de nos déchets directs : ce que je jette moi directement. Si l'on tient compte des déchets professionnels (BTP, agriculture, hôpitaux,...), qui sont faits en France, on atteint 13,8 tonnes de déchets par habitants et par an. Et cela ne tient toujours pas compte des déchets faits par la production de tout ce que nous faisons produire pour nous dans les pays du sud.
Ces chiffres comptent les déchets collectés en France, auxquels il faudrait aussi rajouter tous les déchets non collectés : tous ces sacs plastiques ou autres déchets qui s'envolent, finissent dans une rivière puis dans l'océan pour former ces grandes zones de soupes de déchets plastiques au milieu des océans aussi appelés "continents plastiques". (Un très bon épisode de l'émission Le Dessous des cartes : Des îles de déchets, y est consacré).
Et si on triait un peu tout ça?
Comme le montre l'image ci-dessus, une grande partie de nos poubelles peut être réutilisée. C'est le cas pour les 14% d'emballage papier carton qui serviront à refaire du carton. Les 7% de verre sont refondus pour refaire du verre et ce, quasiment à l'infini. De même, pour les 4% de métal qui referont des objets métalliques. Quant aux 9% de journaux et prospectus, ils permettront de refaire du papier. Les 26% d'emballages plastiques sont de deux sortes : toutes les bouteilles et contenants qui se ferment et qui sont recyclés en France et les autres tels que les pots de yaourt qui ne le sont pas et posent donc problème. Les déchets putrescibles sont bien entendu recyclables par compostage que ce soit individuel quand on a un jardin ou collectif dans certaines villes qui font du ramassage de déchets compostables.
Reste comme toujours la catégorie divers qui représente 24%, un quart de nos poubelles et qui, comme toute catégorie Divers dans quelque classement que ce soit, est juste un défaut de tri et de prise en compte. Les "Divers" ce sont, par exemple, beaucoup de textiles qui peuvent être triés et confiés à des entreprises de recyclage soit pour être réutilisés, soit pour être transformés. L'entreprise Le Relais transforme par exemple les vieux habits en Métisse, un isolant écologique composé uniquement d'anciens textiles, facile à poser, résistant au feu et aux parasites.
Ainsi, on ne trie pas les déchets : on supprime les déchets en triant puisque cela permet d'en faire de nouvelles matières premières dans le cadre d'une économie circulaire. Reste à savoir ce qui est fait du reste c'est-à-dire de tout ce que nous n'avons pas trié.
Taxi, suivez ce camion poubelle!
Qu'est-ce qui nous reste après tri? Admettons que l'on trie très bien : on a trié carton, papier, verre, plastique, on a composté tous les déchets putrescibles et on a même cherché dans la catégorie Divers tout ce que l'on peut apporter soit même comme les textiles. Il nous reste environ 1/3 de la poubelle, c'est-à-dire la moitié des plastiques non recyclés en France et une grande partie du Divers, ce qui fait encore 150kg par habitant et par an.
Si l'on suit le camion poubelle pour voir où vont ces déchets, il prend deux chemins possibles en proportions égales environ : le centre d'enfouissement ou l'incinérateur.
Le centre d'enfouissement (photo 1) a remplacé nos vieilles décharges mais en garde le principe : stocker les déchets quelquepart sans rien en faire. Avant on les entassait dans un coin peu fréquenté souvent en limite de territoire communal pour que ce soit moins visible. Aujourd'hui, "l'homme moderne" ne supporte plus ces déchets donc il les cache en les enterrant tel un chat. On creuse une colline existante pour faire de grandes alvéoles que l'on étanchéifie pour récolter les liquides qui vont couler des déchets, puis on pose les déchets par couches, on tasse, on met de la terre et on plante des arbres. Ni vu ni connu, on obtient une colline de déchets. Mais les déchets sont toujours là et attendent...
L'incinérateur veut lui traiter le déchet : il le brûle. Sauf que brûler ne fait pas disparaître, brûler transforme et concentre. Ainsi quand vous brûlez une bûche de bois, elle ne disparait que pour celui qui ne connait pas Lavoisier (le célèbre "Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme") : elle devient de la chaleur, des cendres, de la vapeur d'eau, des fumées et du CO2. Dans l'incinérateur, les déchets sont brûlés à très haute température ce qui provoque la production de deux types de déchets. Les déchets solides (photo 3) sont principalement métalliques et réutilisés en mâchefer. La combustion des déchets produit aussi de nombreux gaz comme la tristement célèbre dioxine, responsable de la catastrophe de Seveso. Aujourd'hui ces gaz ne sont plus rejetés dans l'atmosphère mais bloqués sous forme de REFIOM. Les REFIOM sont des sous-produits particulièrement toxiques, puisqu’ils concentrent une partie importante des polluants contenus dans les fumées (dioxines et furanes, métaux lourds etc.). Pour une tonne de déchets non dangereux incinérée, ce sont environ 30 kg de REFIOM qui sont produits. La France en produit chaque année plus de 400 000 tonnes. Leur destination ? L’enfouissement en centre de stockage pour déchets dangereux (classe 1) ou dans les anciennes mines de sel allemandes, où ils représenteront une menace de pollution diffuse pour les générations futures (photo 4). Ainsi l'incinérateur ne fait pas disparaître les déchets mais au contraire crée des déchets dangereux.
Dans les deux cas, incinérateur ou enfouissement, la solution est donc la même : stocker les déchets pour laisser les générations futures s'en occuper que ce soit des déchets classiques ou des REFIOM. Il n'y a donc qu'une solution pour réduire le problème des déchets, c'est de réduire les déchets eux-mêmes.
Le panier au secours de la poubelle
Il y a donc deux impératifs par rapport à nos déchets. Réduire les déchets non recyclables que nous enfouissons sous forme classique ou après incinération sous forme de REFIOM. Il faut aussi réduire tous les déchets, même recyclables car le recyclage utilise beaucoup d'énergie.
Que peut la pratique amapienne pour ces deux impératifs de réduction des déchets?
Les emballages représentent déjà 51% de nos poubelles, qu'ils soient verre, papier, plastique ou métallique, recyclables ou non. Dans une amap, les produits sont sans emballage à part un papier pour les fromages ou des pots ou bouteilles verre pour laitages, lait, huile et jus. Rien que du recyclable, très peu et la plupart du temps on peut rapporter ces contenants aux producteurs pour qu'ils les réutilisent. Pas d'emballage plastique, ni métallique. Pour une personne qui prend l'essentiel de son alimentation en amap, la suppression des emballages alimentaires est une réduction de poubelle d'environ 40% puisqu'il ne lui reste plus que les emballages cosmétiques et produits d'hygiène pour l'essentiel. Cette réduction des emballages qui représentent la moitié de nos poubelles par la pratique amapienne est une piste formidable pour réduire globalement nos déchets et surtout économiser des matières premières et même l'énergie nécessaire au recyclage.
A côté de cette réduction globale des déchets, le panier et les amaps permettent aussi de réduire les déchets les plus problématiques c'est-à-dire les non-recyclables : les "Divers" mais surtout la moitié des emballages plastiques. Ce sont ces emballages en plastique qui ne sont pas recyclables et que l'image appelle les faux amis du plastique. On trouve principalement des emballages des rayons de produits frais des grandes surfaces : charcuterie, fromage, oeufs, laitage, barquette de viande et bien sûr les pots de yaourts. On trouve aussi tous les sacs plastiques car s'il n'y en a plus à la caisse du supermarché, ils sont encore très nombreux à l'intérieur pour emballer vous-même vos fruits et légumes ou pour d'autres produits préemballés. Or tous emballages plastiques non recyclables concernent justement tous les produits que l'on trouve en amap et qui, là, ne sont pas emballés comme les légumes ou ont des emballages recyclables (papier pour les viandes et fromages, pots en verre pour les yaourts).
Panier et amap sont donc des solutions pour réduire le problème fondamental et trop souvent ignoré des déchets. En achetant via une amap, on supprime les emballages alimentaires. Or ceux-ci constituent la moitié du volume global de nos poubelles avant tri. Plus important encore, ces emballages alimentaires représentent presque la moitié des déchets non recyclables qui finissent enfouis ou sont transformés en déchets dangereux par les incinérateurs.
Voila donc une autre manière qui permet au panier d'améliorer notre vie et notre environnement.
Plus d'info sur le programme Zéro déchets France.
Mars 2015