Le vin biologique présente donc l'intérêt de ne pas s'avérer dangereux pour ceux qui le boivent, le font ou vivent à proximité. Mais il a un autre intérêt : la viti-viniculture biologique permet d'obtenir des vins expressifs qui reflètent un terroir et un savoir-faire dans leur plus pure expression.
Pour bien comprendre cela, penchons-nous sur une idée bourguignonne devenue patrimoine mondiale de l'Unesco en 2015 : les climats bourguignons. Cette idée va plus loin que celle de terroir et permet de comprendre ce qu'est le vin. La carte ci-contre (que vou pouvez agrandir sous l'image) montre les climats de Vougeot et Vosne-Romanée deux villages qui abritent parmi les plus grands Bourgognes. Chaque parcelle avec un nom est un climat et produit un vin différent de celle d'à-côté. La côte bourguignone abrite plus de 1000 climats différents sur une mince bande de coteau allant du sud de Dijon au sud de Beaune. Cette différence entre deux climats voisins ne vient pas de la vinification mais des composantes de la parcelle.
L'inclinaison de la parcelle, son orientation fine, le débouché d'une combe qui permet les vents d'ouest, l'abri d'un vieux mur, d'une haie, d'un bosquet ou une situation protégée dans le village, la composition du sous-sol entre les différents calcaires (voir image 2 à agrandir sous la photo principale), la proximité ou non d'un de ces petits rus qui courent sous la surface... Tous ces éléments donnent un biotope particulier à chaque parcelle. Dans ces différents biotopes, travaillés depuis au moins 5 siècles dans des parcelles quasiment inchangées, se sont développés des biocénoses (ensemble des êtres vivants d'un milieu) différentes. Les insectes ne seront pas les mêmes dans un climat ou un autre. Surtout ce seront les bactéries et les champignons du sol qui seront très différents d'un climat à un autre faisant évoluer le sol, la vigne et le raisin différemment. Quand on associe tous ces facteurs, on trouve la notion de climat, chaque climat est un écosystème différent qui tout en finesse et en nuance va permettre une multitude d'expressions de ce même cépage pinot noir à quelques mètres d'écart. Ces climats se voient même sur la photo ci-contre. En début d'automne, chaque parcelle portant pourtant le même cépage se teinte différemment et à des moments différents faisant de la'"Côte d'Or" une côte bien plus riche aux multiples couleurs.
Quel rapport au bio? Il est évident. Si chaque climat est différent par son biotope et sa biocénose il faut les préserver et préserver leurs effets sur le vin. Si l'on mettait de l'engrais, le vin n'exprimerait plus les différents types de calcaires dégradés par différents champignons et bactéries mais simplement l'engrais. Si l'on utilise des pesticides c'est toute la biocénose qui disparait et fait s'effondrer l'écosystème qui faisait la typicité du raisin et du vin. De même, les additifs de cuve troublent l'expression du climat par le raisin. Pesticides, engrais et additifs font disparaître le climat et uniformisent le vin. C'est pour toutes ces raisons qu'il y a longtemps que de très grands vignerons bourguignons conduisent leur vigne en biologique même sans labellisation comme le Domaine J.J. Confuron depuis 1990. Parmi eux, le très vénéré Aubert de Villaine, père d'un des plus grands vins au monde, la Romanée-Conti (cherchez la parcelle sur la carte pour voir la taille de ce climat) travaille en bio depuis 1986, en biodynamie aussi et a même la certification bio depuis 2008. Il 'a demandée pour encourager le développement de la labellisation en Bourgogne, de nombreux vignerons travaillant en bio ne voulant pas de la petite étiquette verte jugée comme manquant de prestige sur les nobles et vénérables bouteilles.
Ce détour bourguignon permet de comprendre l'avantage oenophilique des vins biologiques : ils permettent l'expression complexe et fine d'un terroir, le savoir-faire de l'homme dans la vigne et la cave pour servir l'expression de ce terroir.
Mai 2016